Chios
Le chant d’un coq pressé d’annoncer l’aube, vite rejoint par ses congénères des jardins voisins. Le carillon d’une église, appel symphonique au premier office. Une voix qui se rapproche, portée par mégaphone. «Tomates, oignons, melon, pèches…», l’énoncé des marchandises du maraîcher qui, dès la première heure, parcoure les ruelles des villages à la rencontre des habitants. Hier à dos d’âne, les vendeurs sont aujourd’hui en camionnette.
A part ça et quelques belles routes asphaltées offertes par la Communauté Européenne, rien n’a changé. L’île de Chios, en Grèce, vit au rythme du soleil, au pas décontracté du mulet. Seuls quelques cafés branchés installés sur le port des villages de

marins enrichis donnent le change. Il suffit alors de s’enfoncer de quelques kilomètres vers l’intérieur des terres pour engager un voyage dans le temps.
Chios, une fève de 900 km², est fièrement campée aux portes de la Turquie, baignée dans la mer Egée. Terre d’Homère présente dans de nombreux récits de l’Antiquité, lieu unique de production du précieux masticha, tristement célèbre pour ses massacres par les Ottomans en 1822 (immortalisés par le peintre Delacroix), elle est pourtant ignorée des circuits touristiques. Pas de sites exceptionnels, pas de plages de carte postale. Enrichie par la marine et le commerce, la population a peu d’intérêt pour le tourisme de masse. Mais le «secret bien gardé» d’un certain art de vivre offre un dépaysement éminemment méditerranéen au voyageur désireux de sortir des sentiers battus.

Si les rudes hivers voient les sommets se couvrir de neige, neige qui selon la légende aurait donné son nom à l’île, la sécheresse de l’été n’entrave pas la fertilité des champs, irrigués grâce aux printemps pluvieux qui permettent de remplir les nappes phréatiques. Pendant que les cours d’eau s’assèchent, laissant la place aux herbes aromatiques qui accompagneront la cuisine toute l’année, les vallées restent verdoyantes couvertes d’arbres fruitiers.


La sauge et le thym, aussi utiles en cuisine que dans la pharmacopée traditionnelle.
© Marion Kameneff – Amabilia.com

A mesure que l’on remonte les terres escarpées de l’île, les oliviers s’épanouissent en terrasse auprès des amandiers et des figuiers, lesquels puisent leurs ressources plus profondément que les citronniers, orangers et pêchers. Plus haut encore, quelques pommiers sauvages grignotés par les chèvres et une taïga de petits épineux et d’aromates.


© Marion Kameneff – Amabilia.com
La cuisine

Véritable institution, la variété et la richesse de la cuisine grecque l’ont rendue célèbre à travers le monde. Jouissant d’un relief et d’un climat propices à la production d’une grande variété de produits, Chios ne déroge pas à la règle.

Le premier repas se prend très tôt, souvent relayé en milieu de matinée par un café frappé bien sucré accompagné de loukoumadès, des beignets couverts de miel et de cannelle, distribués aussi les jours de fête.

En raison de la forte chaleur qui rend le travail difficile l’après-midi, le repas de midi se prend rarement avant 15h, lorsque le soleil est au plus haut, pour laisser ensuite le temps à la sieste. Ce qui relaye le repas du soir à une heure tardive, après que le soleil se couche, obligeant à abandonner les

champs. Avant 21 h, les restaurants sont presque vides. Le repas est un haut lieu de rencontre, si bien que les jours de fête, la place du village se couvre de tables pour que chacun se repaisse avant de danser toute la nuit au son de l’orchestre traditionnel. Afin de ne rien manquer, le voyageur curieux de découvrir les spécialités locales mais mal habile de son dictionnaire pourra sans complexe aller à la cuisine choisir directement sur le feu ou au frigo les mets qu’il trouvera alléchants, comme c’est l’usage. Il y croisera sûrement des Grecs venus s’assurer de ce que la casserole de chèvre, les fleurs de courgette farcies, le fromage grillé saganki ou le pasticio, gratin de pâtes au fromage de brebis, et autres spécialités locales sont bien à leur goût.

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