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Qui était Azzaro?
par Micheline Lortie, collaboration spéciale

 

«Quand retourne-t-on dans ce pays à la température abominable?» demandait en riant feu Loris Azzaro lorsqu’il devait se rendre au Canada. Cela n’empêchait pas le couturier d’apprécier les restaurants italiens de Montréal, qu’il affirmait être «les meilleurs au monde, hors des frontières de l’Italie.»

Lors de son dernier voyage en Amérique, la maladie a cependant empêché Azzaro de faire une ultime balade en avion. En novembre 2003, l’homme qui aimait «les femmes qui aiment les hommes» décédait des suites d’un cancer, à l’âge de soixante-dix ans.

Des souks et des lettres

Né à Tunis de parents italiens, ce Latin aimait se souvenir de sa grand-mère sicilienne qui achetait des tissus dans les souks de Tunisie.
Malgré cet exemple, Azzaro décrocha d’abord un diplôme en lettres à l’université de Toulouse. S’il y rencontra sa future épouse, Michèle, il compris surtout que le titre de professeur ne lui conviendrait jamais.

Perles pour sirènes

Fuyant le climat austère des lycées, il s’installa à Tunis où il commença à bricoler (avec succès) des accessoires fantaisistes.
De retour à Paris, sans argent et sans contact («ce qui est pire», aimait-il dire), Azzaro ouvrit un petit atelier artisanal. C’est après avoir acheté en solde un lot de perles de bois dont personne ne voulait qu’il eut l’idée de les tresser pour en faire des sacs, des boléros et des ceintures.
Les colifichets d’Azzaro ne passèrent pas longtemps inaperçus. En 1968, sa robe Anneau ajourée de cercles fit la une des magazines.

Couture pour stars

Dès lors, le Méditerranéen aux yeux bleus menthe devint le couturier des stars, de Bardot à Isabelle Adjani, de Claudia Cardinale à Vanessa Paradis, de Tina Turner à Jane Birkin.
Installé rue du Faubourg St-Honoré, entre miroirs et marbres gris, il créa une robe pour Liza Minelli dans Cabaret, vêtement qui fut ensuite vendu aux enchères chez Sotheby’s.
Pour Raquel Welch, il conçut plutôt des toilettes pour la comédie musicale Woman Of The Year, présentée sur Broadway.
Amateur de Roll, de toiles de maîtres et d’opéra, il dessina des costumes et des décors tout autant pour la Scala de Milan que pour le Crazy Horse.

Tout (trans)former

Il faut dire que cet Italo-franco-arabe raffolait des fourreaux sexy, des décolletés ondulants, des pulls de lurex, des brocarts, du strass, des lamés et des paillettes.
Azzaro détestait pourtant qu’on le qualifie de créateur. «Je ne crée pas, je transforme,» précisait-il. De même, il se méfiait des tendances. «Lorsqu’une femme me demande quelles seront les couleurs à la mode, je réponds : celles qui vous vont le mieux, Madame.»
Le couturier concédait cependant «savoir habiller les femmes, mais savoir davantage parfumer les hommes.» D’où le succès de ses fragrances masculines.

Parfums pour (b)elles

Azzaro, qui ne pouvait concevoir sa mode sans parfum, a néanmoins créé de nombreuses fragrances pour les femmes.
Avec plus ou moins de succès, il leur a offert le raffinement d’Azzaro Couture (créé en 1975), le romantisme des neuf fleurs blanches d’Azzaro 9 (1984), l’exubérance baroque d’Ohlala (dont le nom évoquait la note musicale et les initiales du designer), la transparence d’Eau Belle (créé par Nathalie Feisthauer de Givaudan en1995), la chaleur d’Azzura (formulé par Laurent Bruyère de Charabot), celle d’Orange Tonique et de Visit for Women, une hypnotique fragrance piquée de piment.

Arômes pour eux

Outre une griffe masculine de prêt-à-porter créée en 1992, Azzaro a proposé aux hommes des fragrances tel que Azzaro pour homme (un fougère devenu un classique), Acteur (1989), Chrome, le trio d’Azzaro Collection (Lavender, Pure Vetiver, Cedrat) ainsi que le parfum Visit For Men, composé par Annick Menardo de Firmenich mais lancé à titre posthume.

Comme un livre inachevé

Séduisant et blagueur, bon copain de Sophia Loren, Azzaro aimait déménager, décorer et… cuisiner, cuisiner beaucoup! La tarte Azzaro a même déjà garni le menu du célèbre pâtissier français Dalloyau.
Les dernières années de ce fils unique furent toutefois mouvementées. Sa femme Michèle (son associée de toujours) l’avait écarté de la direction de la maison en 1997, puis sa mise en place sous curatelle permit au versatile Verseau de nommer sa fille au poste de PDG. Mais une fois la tutelle levée, Mme Azzaro reprit le contrôle de la maison.
Sa mort à Paris est venue clore cette saga d’affaires, de paillettes et d’arômes. Elle nous a aussi privés du livre Les femmes de ma vie qu’Azzaro devait publier aux éditions Odile Jacob.

Les mots d’Azzaro

• «Il faut profiter et regarder les moindres instants de vie avec des jumelles. Quand ça va mal, il suffit simplement de les retourner.»
• «Ma femme est mon Napoléon, elle a transféré sur moi toutes ses ambitions.»
• «L’esthétique doit passer d’abord par le fonctionnel.»
• «J’ai très souvent déménagé. Non pas par goût de la provocation, mais par goût de l’innovation.»

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